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Pourquoi les véganes ne sont pas écolos, selon Paul Ariès

02/04/2019

SOURCE : LEDEVOIR.COM

Photo: Guillaume Souvant Agence France-Presse «L’élevage fermier n’est pas responsable du réchauffement climatique», croit Paul Ariès.

Pour la plupart d’entre nous, le véganisme est apparu il y a quelques années à peine. Pourtant, c’est un courant beaucoup plus ancien, dont les théoriciens, notamment le philosophe australien Peter Singer, ont formulé les thèses antispécistes il y a plusieurs décennies. Le Devoir est allé à la rencontre de personnes aux voix opposées pour faire le point sur ce sujet qui polarise. Point de vue du politologue français et historien de l’alimentation Paul Ariès, qui publiait en janvier l’ouvrage Lettre ouverte aux mangeurs de viande qui souhaitent le rester sans culpabiliser.

Comment en êtes-vous venu à vous intéresser au véganisme ?

J’ai publié il y a 20 ans un ouvrage sur la libération animale. J’ai très vite découvert que derrière ces réseaux se trouvait une idéologie solide, telle que la développent des philosophes, principalement anglo-saxons. Je pense à Peter Singer, considéré par le quotidien The Independent comme le philosophe le plus influent de notre siècle, auteur du livre manifeste Libération animale dont les thèses sont terrifiantes.

L’idée de l’égalité entre les animaux, humains compris, peut sembler sympathique. Sauf si elle conduit à remettre en cause l’égalité entre tous les humains. Singer nous dit en effet qu’à cause de sa capacité à ressentir la souffrance, un chiot valide serait plus digne de vivre qu’un nourrisson, un grand handicapé ou un vieillard sénile. « Je ne pense pas que tuer un nourrisson soit jamais l’équivalent de tuer une personne », déclarait-il à la revue La Recherche.

Si je suis anti-végane ce n’est donc pas pour défendre mon bifteck, mais l’unité du genre humain. C’est aussi pour défendre le droit à la vie des animaux d’élevage, mais aussi domestiques et même sauvages, contrairement aux thèses que prônent les véganes les plus conséquents.

On confond souvent le véganisme et le végétarisme. En quoi sont-ils différents ?

Les végétariens refusent de consommer de la viande. Les végétaliens refusent également de consommer les sous-produits animaux (miel, beurre, lait, oeufs). Les véganes vont jusqu’à refuser la laine, le cuir, les chiens d’aveugles et la dératisation. Bref, tout ce qui cause de la souffrance animale. Ils oublient pourtant que l’agriculture tue 25 fois plus d’animaux que l’élevage.

Le véganisme n’est pas une façon plus moderne de se dire végétarien ou végétalien. Le véganisme est une idéologie politique totalitaire bien avant d’être un régime alimentaire. Il est le cheval de Troie du courant antispéciste et l’idiot utile des biotechnologies alimentaires.

Le véganisme serait donc contre l’écologie ?

Les véganes conséquents le disent ouvertement : ils ne sont pas écolos. Ils haïssent l’écologie et les écologistes. Déjà parce que le symbole de la nature est la prédation et que la prédation humaine n’est qu’une goutte d’eau face à la prédation animale (le lion mange la gazelle, le chat la souris). C’est pourquoi certains véganes proposent même de modifier génétiquement les espèces animales, voire d’éradiquer les espèces prédatrices.

Les véganes ne sont donc pas du côté de la défense de la biodiversité, mais de sa réduction. Tous les véganes veulent supprimer les animaux d’élevage. Certains envisagent de supprimer les animaux domestiques, d’autres souhaitent même éradiquer les animaux sauvages, car la vie dans la nature serait d’abord une souffrance.

En quoi le véganisme est-il inséparable de l’agriculture industrielle ?

Les véganes ne pensent pas en termes d’écosystème et d’espèces, mais d’individus. Ils ne sont pas du côté de l’agriculture paysanne et de l’élevage fermier, mais du productivisme industriel. Ils ont tout faux au regard de la situation planétaire. L’élevage n’est pas en soi responsable de la faim dans le monde. La première cause de la famine, c’est la destruction des agricultures vivrières, c’est le fait de breveter le vivant, c’est l’achat des terres en Afrique, c’est le gaspillage alimentaire.

L’élevage fermier n’est pas responsable du réchauffement climatique. Une prairie avec ses vaches n’est pas une source, mais un puits de carbone. Une prairie d’un hectare absorbe chaque année une tonne de CO2. L’élevage n’est pas non plus responsable de la crise de l’eau potable. Les véganes disent qu’il faut 15 000 litres d’eau pour produire un kilo de boeuf, mais ils confondent l’eau potable réellement consommée (3 %) ; l’eau sale qui sert à l’assainissement des installations (3 %) et l’eau de pluie qui se trouve dans la prairie (94 %).

L’agriculture végane serait d’ailleurs incapable de nourrir huit milliards d’humains. La seule solution pour remplacer le fumier animal serait d’utiliser toujours plus d’engrais chimiques et de produits phytosanitaires, bref tout ce qui détruit la terre et l’humus.

D’où vient cet engouement pour le véganisme ?

Les grandes utopies politiques du XXe siècle sont en faillite, or la nature a horreur du vide. L’antispécisme est une idéologie prête à l’emploi pour des générations qui ne croient plus au paradis sur terre. Elle est surtout caractéristique des milieux bobos, c’est-à-dire urbains. Un phénomène lié à la perte de nos liens avec les animaux. Le véganisme a incontestablement une dimension religieuse. Il raisonne en termes de Bien et de Mal et appelle à une forme de conversion.

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