SANITAIRE

La besnoitiose bovine déclarée en Belgique

23/05/2019

De très récentes informations de l’ARSIA nous annoncent que la besnoitiose bovine a été decélee sur deux individus en Belgique. Ces animaux, qui présentent les signes cliniques de la maladie, sont suivis de très près par leur vétérinaire et les équipes sanitaires de l’ARSIA.

Pour tout savoir sur cette maladie au nom imprononçable, voici la synthèse d’un exposé explicite donné à l’ARSIA par le spécialiste et parasitologue français Jean-Pierre ALZIEU :

Qu’est-ce que la besnoitiose bovine?

« Maladie parasitaire répandue dans le sud de l’Europe, la besnoitiose était pourtant promise à la disparition naturelle car ne régnant plus dans les années 80 que dans le département de l’Ariège et ses zones voisines.
A partir des années 90, pour des raisons encore inconnues, sa progression a repris. En l’espace de 10 ans, des zones d’endémie se sont multipliées dans toute la France. Mais ce n’est pas un privilège de nos voisins… dans quasi toute l’Europe, elle a été identifiée.

Nous ne sommes pas dans un tableau de « type fièvre catarrhale ovine », la besnoitiose est en effet une maladie de CHEPTEL, dont les facteurs de risque sont :

  • en tête de série les ACHATS,
  • suivis des mélanges d’animaux de troupeaux différents (concours, accidents de clôtures,…)
  • et enfin le voisinage de troupeaux infectés.

Le parasite responsable est le Besnoitia besnoiti, qui appartient au groupe des «protozoaires» produisant des kystes, comme dans la néosporose ou encore la toxoplasmose. Mais contrairement à ces dernières, la seule transmission actuellement validée de ce parasite est de nature vectorielle mécanique passive (voir plus loin), de bovin à bovin, sans hôte intermédiaire.

Sous leur forme invasive, les parasites inoculés envahissent le sang pour se disséminer ensuite dans l’organisme, lequel organise rapidement sa défense. Les parasites y répondent en adoptant une forme « résistante» logée dans des kystes protecteurs… Suit alors la phase d’accumulation généralisée et massive de ces kystes contenant chacun jusqu’à 150 000 parasites, multiplication qui ne s’arrête … qu’à la mort de l’animal. Ceci explique le haut potentiel de dissémination de la maladie. C’est au cours de son transfert vers un autre animal que la forme résistante reprend la forme invasive… et le cycle est bouclé.

Vecteurs de propagation

Ce sont les taons et les mouches – dont en particulier la mouche Stomoxys calcitrans -, les premiers dotés d’un appareil piqueur assez puissant que pour percer les kystes, les secondes moins mais à ce point nombreuses que la multiplicité des piqûres, là où la peau est la plus fine, sur la tête et au bas des membres, permet la transmission du parasite.

Connaître le comportement dit du « repas interrompu » de ces insectes justifie la manière de gérer la maladie lorsqu’elle est soupçonnée ou détectée ; si 75 % des repas de sang sont interrompus par les mouvements du bovin, ils n’en sont pas pour autant stoppés mais bien immédiatement repris et terminés sur le même bovin… ou sur le voisin, lequel n’a plus qu’à «accueillir», le cas échéant, le parasite.

Par ailleurs, les insectes vivent dans un rayon relativement court autour de leur point d’origine, d’où la transmission essentiellement entre bovins intra cheptel ou troupeau ou lot.

Enfin, il est un autre moyen de portage et transmission du parasite, qui n’est autre … que l’aiguille à injection, à usage « pas » unique !

Tous les bovins infectés ne présentent pas le même potentiel contaminant ; la ‘richesse’ en kystes dépend le pouvoir contaminant de l’infecté. Un sujet cliniquement malade est a priori davantage porteur de kystes qu’un bovin infecté, séropositif et asymptomatique, ce qui fait donc du premier un « bon donneur », réservoir de la maladie, et qu’il ne faudra en aucun cas garder. Car dès l’introduction d’un tel sujet dans un troupeau sain, la rapidité de la diffusion y est telle que le taux d’incidence d’infectés varie entre 15 et 40 % après 1 an, 60 % après 2 ans et jusqu’à 90 % après 4 à 5 ans !

La diffusion entre les élevages existe aussi en l’absence d’assainissement des cheptels voisins infectés, par proximité des animaux (voisinage par simple clôture par exemple).

Comment repérer la maladie ?

Il est essentiel de savoir reconnaître précocement la maladie pour réagir au plus vite. Les infections sont hélas la plupart du temps asymptomatiques, n’en générant pas moins des animaux réservoirs. Après une incubation de 6 à 10 jours ou plus, certains bovins par contre, les « révélateurs », vont développer des symptômes, en 3 phases : fièvre, œdèmes et épaississement cutané.

En phase aigüe, le bovin devient soudainement fiévreux, pendant 3 à 10 jours, et présente du jetage séreux et du larmoiement, de la congestion, et plus précisément, un début d’un œdème de la tête (« tête d’hippopotame »), des plis congestifs au niveau du cou et des lésions hémorragiques sur la mamelle et à la base des trayons. Plus rarement décrit, un avortement lié à la fièvre peut survenir.

Besnoitiose – Phase aigüe : œdème de la tête et du cou (© Photo : J.P. Alzieu)
Besnoitiose – Phase aigüe : œdème de la tête et du cou (© Photo : J.P. Alzieu)

S’ensuit rapidement la phase des œdèmes, d’1 à 2 semaines, au cours de laquelle la fièvre disparait et un gonflement du fanon se développe, la peau est chaude et douloureuse, le bovin perd tout appétit. L’œdème gagne les membres principalement aux boulets et des crevasses apparaissent aux plis des articulations, rendant la démarche difficile.

Besnoitiose – Phase des œdèmes (2) : œdème du fanon  (© Photo : J.P. Alzieu)

La phase chronique est celle de l’épaississement cutané en « peau d’éléphant », très marqué sur la tête, l’encolure et la face interne des cuisses ainsi que de dépilations. A ne pas confondre avec une gale, car le bovin ne se gratte pas !

Besnoitiose – Phase « peau d’éléphant » et dépilations sévères (3) (© Photo : J.P. Alzieu et P. Jacquiet)

Enfin, moyennant une bonne contention, le vétérinaire pourra constater la présence des très petits kystes au niveau du blanc de l’œil, signe pas toujours présent… mais sans appel de la nécessité de réformer cet animal…!

Confirmation via tests sanguins

En phase aigüe, l’examen du vétérinaire est essentiel car au labo, les anticorps sont absents, seule la technique PCR sur sang mettra directement en évidence le parasite.

La phase chronique correspond par contre à l’apparition massive des anticorps dans le sang et de la positivité garantie de la PCR sur prélèvement de peau lésée et riche en kystes, justifiant pleinement l’examen sanguin et secondairement la biopsie à des fins diagnostiques.

Depuis un an, existe un dernier outil mais pas le moindre, un test ELISA sur lait, de tank ou individuel, donnant de très bons résultats en termes de capacité de détection et de fiabilité et bien pratique en cas de contention difficile.

La besnoitiose, maladie non tolérable !

La besnoitiose une maladie incurable aux conséquences très lourdes. Parmi elles, le coût des traitements et euthanasies, l’impact sur la fertilité de 2 taureaux infectés sur 3; paradoxalement, les vaches ne manifestent quant à elles aucun trouble de la reproduction. Les bénéfices de l’engraissement sont eux aussi incertains, on ne tardera donc pas à réformer l’animal positif dès l’embonpoint satisfaisant atteint. Manque à gagner, non vente et achats pour renouvellement, insémination artificielle,… Le coût global des pertes directes est exorbitant.

La besnoitiose en chiffres (Enquête en France du GDS Ardèche)

Moyenne sur 3 ans :

– Elevage infecté : 39 € / animal présent / an
– Elevage assaini : 8 € / animal présent / an
– Impact total atteint / élevage infecté = > 12 000 €

…. + Le coût induit sur le temps de travail perdu par l’éleveur: temps d’observation, de traitement, de lutte antiparasitaire = plus de 15 jours
perdus par an, concentrés dans la période estivale des gros travaux.

Envisager un traitement est d’un intérêt très faible, la pharmacopée étant des plus limitées et non stérilisantes vis-à-vis du parasite…
Et quand bien même il permet à l’animal de se « refaire une santé », il est envisagé uniquement dans le souci de le mener au plus vite et sans trop de pertes à l’abattoir.

Seule bonne attitude : la prophylaxie sanitaire en réformant

Selon les résultats du dépistage, on éliminera:

  • prioritairement les premiers cas cliniques,
  • ensuite les porteurs de kystes détectables à l’examen de l’œil
  • enfin les séropositifs par ordre de séropositivité décroissante.

Ce n’est pas donc pas rien… mais selon le spécialiste français de la besnoitiose Jean-Pierre ALZIEU, « la diffusion de la besnoitiose bovine en Europe n’est pas une fatalité ! »
Pour les cheptels avérés sains, leur protection devient un enjeu sanitaire majeur…

L’ARSIA veille depuis janvier 2018 sur les achats à risque

La besnoitiose est l’exemple type de la « maladie qui s’achète »! Le contrôle à l’introduction de tout bovin importé d’un pays à risque a démontré tout son intérêt grâce aux outils disponibles et performants de dépistage. Nous n’avons pas décelé de cas positifs à l’achat depuis la mise en place de notre système de vigilance sanitaire.

Rappelons à l’éleveur les consignes de sécurité pour tout bovin importé de l’un de ces pays :

  • Mise en quarantaine, à l’intérieur d’un bâtiment,
  • Repérage noté des congénères en contacts rapprochés, à savoir moins de 5 à 10 mètres compte tenu des déplacements des taons et mouches,
  • Maîtrise autant que faire se peut de ces derniers,
  • Recours aux aiguilles à usage unique,
  • Information du vendeur en cas de résultat positif

Bien que les tests soient très fiables, nous ne sommes pas à l’abri d’un « faux négatif », et la maladie est non décelable les premières semaines post-infection. Il est essentiel que le premier observateur de l’animal, c’est à dire l’éleveur, connaisse les signes cliniques tels que décrits plus haut, les reconnaissent et au moindre doute, appelle son vétérinaire.

L’idéal serait de tester l’animal acheté avant son départ chez le vendeur. C’est rarement le cas… un modèle de convention de garantie sanitaire établie dans le cadre de la vente de bovins destinés à l’élevage est disponible ici. Ne manquez pas d’y recourir… et cela vaut pour tout achat !

Source : ARSIA via Jean-Pierre ALZIEU

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