REPORTAGES

Reportages | Sorte et rusticité

09/06/2021

Je pars à la rencontre d’un élevage connu des anciens et peut être un peu moins des jeunes car ils ne participent plus au concours depuis une dizaine d’années. Et pourtant, il a marqué en son temps les concours et la race avec Butée de Joli Jean, Africaine de la Bocheroule ou encore Hamée v/d Bomlozeput. Je suis reçue par Ruben et Stijn Vereecke à Watervliet, qui s’occupe de l’élevage vd Bomlozeput, qui signifie le puit sans fond.
Leur ligne conductrice est l’élevage. Il possède environ 170 têtes de bétail réalisant entre 85-90 vêlages. Les veaux sont élevés au pis. L’alimentation est basée exclusivement sur du grossier, même pour les veaux qui mangent la même chose que leur mère. La ferme n’est composée que de femelles, elle ne tourne pas avec des mâles.

Depuis combien de temps sélectionnez-vous ?

Stijn : “C’est mon père qui a commencé. Il gagnait bien sa vie avec son boulot à côté. A ce temps là, les gens disait qu’il savait bien faire les aliments. Mais nous avions de la connaissance et fais de bons achats. Depuis vingt cinq ans, nous n’avons plus acheté aucune bête. Donc nous avons démarré avec ça et nous avons suivi notre vision.
Ruben : “Nos souches étaient trois quatre bonnes bêtes de concours que nous avions acheté et à côté il y avait la ferme d’En Haut à Gathy de Tohogne. Il avait Babar et Brillant d’En Haut dans le temps. L’homme de l’élevage arrête car il n’a pas d’enfants et papa achète vingt vaches là bas. Il avait des origines comme Banco des Pahys, Baron des Gouttes, Lancier du Tilleul, Christophe de l’Abbaye, des vieilles souches avec des bonnes bêtes. C’est de là que Pia vient. L’élevage a démarré fin des années 70. Mais nous ne sommes pas des fermiers, nous n’avions pas de terres ni de bêtes. Mon père a construit petit à petit. Maintenant, la ferme est une SPRL qui doit tourner toute seule et nous ne devons pas en vivre. Nous avons chacun à travail extérieur.”

Quelle est votre optique d’élevage?

Ruben : “Il faut du devant, une bonne poitrine, des bêtes assez longues et surtout rustique, parce que toutes les bêtes doivent avoir des veaux au pis. Nous croyons que, même dans le blanc bleu, nous pouvons avoir une étable de viandeuse avec de la rusticité. Mais il ne faut pas dépasser un certain point comme avec des taureaux plus fragiles qui amène des problèmes : des petits pis, pas de colostrum, des bêtes qui dépérissent au lieu de profiter. Il faut garder l’optique d’élevage sinon on fait faillite. Dans ma vie professionnelle, je vends des aliments. Et je vois, chez les gros clients qui font encore du blanc bleu, que la tendance est en train de changer car on récupère des bêtes avec un peu de corps, qui ne sont pas sèches et qui n’ont pas d’attaches de queue piquées, mais de nouveau des bêtes plus rustiques. Les gros engraisseurs, ils aiment des bêtes avec la tête en l’air, quatre bonnes pattes, qui sont plantées et là quand tu les regardes. Ils ne veulent pas des bêtes ramassées, avec la tête en bas, des mauvais jarrets et des côtes rondes comme les cochons de Piétrain. Ils ne savent rien faire avec ça. Nous aussi nous avons fait l’erreur dans le temps.”

Quelles origines retrouve-t-on principalement chez toi ?

Ruben : “Dans les origines de base, nous avons beaucoup utilisé Lancier vd Bomlozeput, qui a fait beaucoup avancé l’élevage. C’était un fils de Butée avec Brûlot, qui a donné Lasso. Après, on a connu les années de Lasso, Radar, Impérial, puis un peu Shériff, Panache.”

Comment fais-tu tes croisements ? Quels sont tes critères?

Ruben : “On ne met plus des taureaux comme avant, avec un taureau qu’on mettait sur tout. Aujourd’hui, on met Or, Impérial, Jet-Set, Darko, même parfois Panache ou même des vieilles souches, mais de façon raisonnée. Je n’essaie pas tous les taureaux qui sortent, on attend un peu qu’il prouve. Et nous ne sommes jamais trop tard, surtout maintenant qu’on ne sort plus sur les concours avec des bêtes.
Sinon, quand on choisit nos taureaux, on fait attention à la sorte, un bon devant, du dessus, la facilité d’élevage pour avoir des veaux rustiques et une bête qui s’améliore dans le temps. Je veux de la rusticité, des bêtes qui s’élèvent comme il faut, même avec la nourriture grossière que l’on sert. Avec les viandeuses, c’est possible d’avoir des grosses bêtes sans donner du sec. Une vache n’est pas un porc. Je vois qu’on a moins de soucis qu’avant quand on soigne moins fort en aliment mais on suit aux minéraux. Les minéraux, c’est toute l’année, même en pâture. Du grossier, un peu d’aliment et beaucoup de minéraux : sélénium, vitamine E et bêta-carotène, c’est très important, notamment pour la fécondité. Nous avons un programme où l’on renseigne toutes les bêtes, toutes les inséminations, les intervalles, les croissances des génisses, des primipares et des vaches. Nous avons un suivi avec des chiffres, tout est quantifiable. C’est aussi à partir de ça que l’on choisit les souches que l’on utilise. Une bête qui profite moins qu’une autre bête dans les mêmes conditions et avec les mêmes aliments, on ne continue pas avec cette sorte là.”
Stijn :”Nous avons plus de patience qu’avant aussi. Avant, on disait qu’on ne pouvait pas rater le train mais maintenant, on dit qu’on va rater le train et attendre que les autres essayent et l’année d’après, on va l’utiliser si on voit des veaux et si on en sait plus. Il vaut mieux attendre un peu et après faire les bons choix, qu’être le premier à essayer un nouveau taureau. Tu ne gagnes rien en plus. La patience manque souvent chez beaucoup d’éleveurs, surtout ceux qui font le concours.”
Ruben :”Oui, car ces gens là font tout pour avoir une bête au concours. Moi je ne veux pas être champion de Belgique et avoir une partie de mon étable qui ne sert à rien. Je veux un bon étable dans l’ensemble, avec les hauts et les bas, mais une étable qui fait des sous. Il y a beaucoup de gens qui essayent n’importe quoi pour avoir une championne, mais les déchets tu ne les vois pas.”
Stijn : “Notre but est d’avoir une étable de haut niveau et nous n’avons peut-être pas les tops, mais nous ne voulons pas les tops si le reste est moindre. On veut une moyenne qui se distingue des autres, ça c’est notre objectif. On aime une super bête comme tout le monde, mais la moyenne est plus importante pour nous. Si on est trop arriviste pour arriver au concours, à la longue on perd.
Ruben : “On travaille avec les trois centres mais principalement avec BBCI. De temps en temps, on emploie encore les vieilles souches comme Impérial ou Or, car on sait que cela marche toujours et donc on le fait encore.”
Stijn :”Si on regarde le blanc bleu ou si on fait un croisement, jamais on ne considère un centre ou le taureau. Nous avons une idée de comment doit être la race, comment doit être une bonne bête, nous sommes mêmes en désaccord avec beaucoup de décisions sur les concours car on se concentre trop sur la pureté.”

Que pensez-vous des concours ?

Ruben : “C’est un lieu pour échanger, rencontrer les éleveurs et pour montrer ton élevage. Parfois je trouve qu’on juge trop les arrières-mains, les beaux culs, mais ce n’est pas ça le plus important. Puis il faut de la rusticité dans le blanc bleu, c’est ça qui nous tient. Je sais que les gens qui font les concours boeuf gras, quand ils achètent une super viandeuse mais à la limite trop sèche, elle ne va jamais gagner le boeuf gras. Elle peut venir d’un super élevage, si elle est trop sèche, ça n’ira pas, donc il faut de la nature.
Nous n’allons plus jamais au concours parce que je travaille pour une entreprise d’aliments, éleveurs et engraisseurs, et je ne veux pas faire concurrence à mes clients. Mais nous faisons d’une autre manière. On a de temps en temps des cars qui viennent, de français ou d’hollandais, ils voient mes bêtes et la façon dont je travaille et je ne dois plus aller sur les concours.”
Stijn : “Lorsque l’on juge sur les concours, nous sommes intègres. Nous ne faisons pas de compromis parce que c’est un ami. Nous ne sommes pas dépendants de quelqu’un, donc c’est une force. La force de l’élevage de Ruben, c’est qu’il est intègre et il ne fait pas de compromis. Nous avons une idée sur la race et on la suit.
Ruben : “Nous n’avons pas peur de pointer les difficultés que l’on a avec certains taureaux aux vendeurs des centres. Ici, tout se trouve sur l’ordinateur : intervalles de vêlages (376 jours en moyenne), les pourcentages d’insémination par taureau et on sait analyser ce qui va ou pas. Moi je travaille dans les aliments et le client attend un résultat. C’est le principe du commerce. C’est normal qu’il y a des problèmes, dans tous les centres il y en a, mais il faut savoir résoudre les problèmes et suivre sa ligne de conduite.”

Un taureau et une vache qui a marqué ton élevage ?

Ruben : “Les vaches qui ont marqué notre étable c’était Butée, Africaine, Irène et Pia. Ce sont des bêtes qui ont monté notre élevage. Il y a eu Lutée vd Bomlozeput, qui a fait première au national de Bruxelles. Mais Butée a été la première.”
Stijn : “Butée, puis on a eu le fils et la fille de Butée avec Brûlot, Lancier, qui est le grand-père de Lasso. Puis la fille de Butée, Lutée a fait première nationale. Il y a aussi eu Irène vd Bomlozeput, la mère de Pia.”

Qu’est ce qu’il manque pour toi dans le BBB ?

Ruben : “Rien. Je pense qu’on est sur le bon chemin avec la rusticité qui revient. Une bonne chose aussi c’est quand on a trouvé les tares. Il ne faut pas croire qu’il n’y a que les blanc bleu qui ont des problèmes. J’ai beaucoup de clients français qui font des parthenais culards ou des Maine-anjou culards et ils ont des soucis aussi. Certains fermiers me disent que les Parthenaises sont les plus dures à élever, notamment au niveau pulmonaire et si elles vêlent trop tôt, la croissance est cassée. Chaque race a ses points forts et ses points faibles. Je pense qu’on est reparti sur le bon chemin, en tout cas tout ceux qui sont encore dans le blanc bleu aujourd’hui sont des mordus, des acharnés, sinon il y a longtemps qu’ils auraient arrêté. Je dis toujours que celui qui sait élever et qui a une bonne ferme en blanc bleu, sait le faire dans les autres races et l’inverse est vrai aussi.”

1 Commentaire

  • Reply
    Dewaele Claude
    10/06/2021 at 18:40

    Magnifique élevage !
    De vrais bonnes idées d’élevage.

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