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Reportages | Longueur et largeur donnent les kilos

18/12/2021

Peux-tu expliquer les origines de ton élevage?

Stéphane : « J’ai commencé en 1992. Nous étions amis avec Arnaud Tans, alias l’élevage de Vyle Tharoul, où Unité avait fait le championnat. Il y avait Unité (Frérot) et Tana (Bethleem). De ces 2 vaches, par partage d’embryons, j’ai obtenu quelques génisses que j’ai exploitées en transfert d’embryons : avec Unité j’ai eu Fiesta de Vyle Tharoul qui a bien reproduit et de Tana j’ai eu Sensation de la Cleuzeur (Domino de Somme) qui a très bien donné aussi.
Au début, j’ai fait un peu des essais dans les croisements puisque je ne suis pas issu du milieu de l’élevage. Pour m’assister dans mes accouplements, j’ai pu bénéficier d’amis éleveurs comme Jean-Marie Marot, Benoit et Luc Mahoux. La passion, je l’avais déjà, même si je ne suis pas issu du milieu, et elle s’est renforcée avec le travail. Nous avons élevé des génisses hors des bonnes vaches que nous avions et nous avons évolué ainsi. »

Quelle est ton optique d’élevage ?

Stéphane : « Des bêtes longues avec un large devant, une arrière-main large même un plus carrée. Mon marchand de bête achète aux kilos et non pas au centimètre. Or, longueur et largeur font des kilos. Le but est d’avoir le maximum de viande de qualité sur les 4 pattes (tout en gardant de bons aplombs). Ce que j’aime dans mes bêtes, c’est quand tu prends le pédigrée et que tu remontes loin, tu as toutes des vaches connues comme Ardente, Effigie, Superstar, … il me faut des bêtes de sortes. J’essaie parfois d’autres sangs pour sortir des origines et pour la fécondité aussi.

Les quatre centres utilisent des machines pour fabriquer les doses. Je pense que c’est un problème aujourd’hui. Dans le temps, c’était un homme qui faisait les doses à la main et il n’y avait pas une dose à jeter. Maintenant, la fécondité est devenue un problème. Combien de taureaux ne sont pas féconds. Il y a sans doute un problème de réglage au niveau de la machine d’un taureau à l’autre, ou même d’un éjaculat à l’autre. Au lieu de chercher des tares, je pense qu’il faudrait se concentrer sur ce problème et voir comment on pourrait l’améliorer. »

Comment réalises-tu tes croisements ?

Stéphane : « C’est individuel par rapport à chaque bête. Je regarde la bête, son ascendance et puis le taureau. Je ne regarde pas trop à la consanguinité. Je travaille beaucoup au feeling, à ce que je vois ailleurs et ce qui fonctionne. 

J’ai utilisé beaucoup Jet-Set et Futé. Je vais utiliser Oasis, Eole, Donnay, Flashback et Farkan. »

Quelle origine retrouve-t-on fréquemment dans ta vacherie ?

Stéphane : «  Bambou, Fute, Jet-Set, Sheriff, Tarko, Tahitien, G-Star et dans les jeunes Darko, Dauphin, Racé et Eureka. »

Qu’est-ce que tu penses des concours ?

Stéphane : « Il y a du positif et du négatif selon moi. Il faudrait redéfinir le standard de la race. Il y a des jurys qui mettent en première place des bêtes avec un bassin incliné, une bonne attache de queue et pas de garrot et d’autres bêtes plus complètes avec un bon dos, un bon garrot et une bonne côte sont classées plus loin. Ils n’ont pas de lignes de conduite. Il faudrait juger en juge unique et ce pour toutes les séries pour que les classements soient plus uniformes, en donner la chance à d’autres éleveurs aussi. Ce sont toujours les mêmes qui jugent quand on y réfléchit bien. Je pense qu’on part du mauvais côté dans les concours, quand on voit parfois les prototypes de bêtes qui sont premières. Sinon j’aime le concours, j’aime y aller, j’aime juger mais il y a du pour et du contre. D’autant plus quand tu soignes une bête, tu la prépares pour le concours, surtout les nationaux, et pour finir tu te retrouves en queue de peloton. Je sais qu’on aime tous être premier mais il faut être classé à sa place.»

Comment vois-tu le blanc bleu dans 15-20 ans?

Stéphane : « Je pense qu’il y a toujours de l’avenir pour le blanc bleu. Il faut voir ce qu’ils vont sortir avec leurs nouvelles tares aussi. Sinon c’est quand même la race qui s’adapte le plus facilement à tout. J’ai le cas ici avec les veaux laitiers, j’ai plus de problèmes avec eux qu’avec les blanc bleu, c’est une race rustique. D’ailleurs, elle a été exportée dans les quatre coins du monde et elle s’adapte à tous les climats.

Il faut que la balance de l’autosuffisance diminue pour que les prix augmentent. Je préfère la qualité à la quantité, d’ailleurs les meilleures bêtes valent plus et coûtent moins. Le problème aussi est que nous ne sommes pas payés à la qualité. On est payé le même prix que ce soit une bonne bête ou une mauvaise. Pourtant les bonnes bêtes sont vendues plus vite que les autres. Certaines ne transitent même plus au marché, elles vont tout de suite chez les engraisseurs. Ces prototypes de bêtes-là ont de l’avenir. 

Pour le moment, on parle aussi beaucoup de la génomie. Mais pour moi, cela reste subjectif. En laitier, tout est mesuré, donc la génomie est précise. En blanc bleu, c’est l’œil, même si tout est mesurable, mais rien ne l’est sauf la taille. Or, nous pourrions mesurer la longueur de la bête, le jarret, la longueur du bassin et j’en passe.

Pour en revenir au standard de la race, il faudrait presque scindé la race en trois rameaux : la blanc bleu standard, la blanc bleu viandeuse avec des gros devants et de la poitrine, et les blanc bleu mixtes. J’ai l’impression qu’on tend vers des animaux standards à mixte. Lorsque tu montres une bête qui a du devant et une poitrine bien ouverte, les gens pensent qu’elle est handicapée. Les aplombs, c’est un autre problème. Mais il faut arrêter de trouver des défauts aux bêtes qui ont des qualités viandeuses et qui marchent bien.

Aussi, soigner des bêtes pour aller au concours, ça les abîme toujours un peu. Je trouve qu’il faudrait soigner avec un aliment d’élevage. Sinon, le concours devient un concours de marchand de farine et c’est à celui qui remporte le plus de prix.»

Quelque chose que tu regrettes ?

Stéphane : « Je trouve qu’il y avait une meilleure ambiance sur les concours qu’actuellement. Maintenant, tout de suite, les gens se disputent avec les jurys. C’est dommage. 

Que les tournées de recensement se fassent dans d’autres régionales que la sienne, et d’organiser des visites dans des élevages de pointe, ou qui sont au top pour le moment. Ce serait intéressant pour pouvoir évoluer dans son élevage et voir comment les autres fonctionnent. »

Ta définition d’un raceur et d’une raceuse ?

Stéphane : « Un raceur est un taureau qui sait faire le maximum de veaux dans le même moule. La raceuse, c’est pareil. Une bête qui donne de bons veaux, même meilleurs qu’elle. Comme dans les concours de suitées, pour mettre un couple en première place, je trouve que le veau doit être encore meilleur que la mère, même si l’on dit que c’est 50/50. »

Un taureau et une vache qui ont marqué ton élevage ?

Stéphane : « Oural de Centfontaine, qui avait des origines terribles. Un Impartial de Centfontaine, qui était un Radar sur Epopée, qui était une Brutal de Tempétueuse. La mère d’Oural était une Génie de Bucheuse. Génie, père de Montblanc et Muscadet, et Bucheuse était la sœur de Wait and See, une Inexes de Superstar (l’autre Superstar), une Brûlot de Native, qui était une Galopeur de Fleur. Tout ça pour dire que ce taureau-là avait une origine extraordinaire, le noyau de vache qu’il avait dans son ascendance faisait qu’il n’aurait pas su rater un veau.
Il y a aussi Bambou (Fétiche x Bijoutier) qui a produit des femelles qui vieillissent bien, elles sont toujours plus belles en viande avec l’âge !

En femelle j’ai eu Fiesta de Vyle Tharoul et Sensation de la Cleuzeur ainsi qu’Acropole de la Cleuzeur (Bionique x Frerot). »

Un taureau et une vache qui ont marqué la race ?

Stéphane : «Je pourrais remonter loin en citant des vaches comme Ardente, Jacqueline, Fleur, Native, Darling, Tempétueuse, Epopée, Gaillarde, Gitane, Rebelle, Sphere, Bille, Sultane, Voyageuse, Dauphine, Superstar, Effigie, Turlupine, Astuce, Haha je suis, Davina,…

En taureaux, je peux faire pareil en citant Fausto, dans les plus récents, qui a eu une toute bonne reproduction et sa mère Ardente était une très bonne raceuse. Sinon il y avait Riant, Panache, Sheriff, Lasso, Biscuit, Brutal et Calimero. »

Qualifier en un mot ton travail avec la génétique?

Stéphane : « Passion, patience et persévérance. »

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